La gestion de l’environnement, si utile mais si méprisée…

Souvent, quand on se retrouve confronté.e à un chien qui a des problèmes à gérer, qui est inconfortable ou peut se mettre en danger dans son environnement par un biais ou un autre, on a tendance à considérer qu’il faut gérer le chien, ou pire, qu’il faut que le chien SE gère (parfois en le poussant dans des retranchements qui me font tourner de l’œil). C’est oublier à quel point ses réactions sont la conséquence d’émotions qui crèvent le plafond et que nos chiens ne sont pas nés pour vivre dans une société humain.
Avant de demander à un individu qui est en proie à des émotions intenses (et souvent très désagréables) de se gérer, nous devrions au contraire veiller à ce que l’environnement autour de cet individu soit favorable à son évolution.
« Quand une fleur ne fleurit pas,
on corrige l’environnement dans lequel elle pousse,
pas la fleur. »
Ça veut dire quoi, concrètement ? 🌹

Ça veut dire qu’à choisir, on ne devrait pas emmener nos chiens dans des environnements qui les rendent inconfortables ou qui sont difficiles à gérer pour eux, juste en partant du postulat qu’ils vont bien finir par y arriver un jour. 😐
Il y a quelques semaines, je suis tombée sur une phrase qui a profondément fait écho en moi :
« Évitons d’associer les principes du clicker training
à l’état d’esprit d’un éducateur traditionnel »
J’aimerais la paraphraser aujourd’hui en rappelant que travailler en éducation moderne et bienveillante tout en considérant que le chien doit « apprendre à se démerder tout seul » dans un environnement inconnu est parfaitement antinomique. 🤷‍♀
Laisser le chien expérimenter, oui. Lui donner des espaces d’expression et de choix, trois fois oui. En revanche, « balancer » le chien dans son environnement, sans filet de sécurité d’aucune sorte, sans soutien de notre part, sans proposition de porte de sortie si ça ne va pas, est à mon sens profondément délétère pour l’évolution de l’individu. 🤭
On ne jette pas un enfant dans le grand bain pour lui apprendre à nager (hormis quand on est un ancêtre aux méthodes décrépies), pourquoi serais-ce différent pour nos chiens ? 🌊
Travailler en éducation bienveillante, c’est à mon sens veiller à créer un environnement propice à l’apprentissage, à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que l’individu que l’on accompagne puisse se développer sans craintes ni se retrouver poussé hors de ses limites. 🧘‍♀
C’est bien beau tout ça, mais ça veut dire quoi ? Prenons quelques exemples concrets.
🚗 Vous le savez peut-être déjà, mais Vulcain est un chien très sensible qui a vécu beaucoup d’expériences plus ou moins désagréables. Face à ces expériences, il marque très vite et a beaucoup de mal à s’en remettre. Ainsi, il est inconfortable voire carrément terrifié en présence de chiens, d’enfants et d’humains de façon générale (il a aussi peur des vaches, mais ça, c’est une autre histoire 🐮). Il suffit de croiser un chien à un moment qui n’est pas favorable et il explose et met un temps parfois très long à s’en remettre (certaines fois, c’était suffisant pour qu’il soit émotionnellement en boule et sur l’œil tout un après-midi).
Le pire pour lui ? Croiser un chien alors qu’il est dans la voiture, même si la voiture roule. Dans ces cas là, il explose, hurle, crête sur toute la ligne du dos, il écume, se jette sur les vitres. Un véritable cauchemar. Je suis longtemps partie du postulat que j’allais pouvoir l’aider, lui apprendre à s’apaiser. C’était une erreur. Vulcain ne veut pas APPRENDRE à s’apaiser, il veut ÊTRE apaisé en voiture. A force de se retrouver confronté à cette situation, souvent dans des moments où je ne pouvais pas l’aider (quand je conduis, soyons honnêtes, je ne peux pas faire grand chose d’autre), Vulcain a commencé à généraliser sur d’autres animaux qui ressemblaient de loin à des chiens (chèvres, moutons noirs…). Aussi, dans ce type de situation, anticiper la présence d’un chien est impossible. Il suffit de tourner dans une rue pour en voir un au dernier moment qui marche sur un trottoir, et on ne peut pas s’éloigner en voiture aussi facilement qu’à pied. 🚙🚶‍♀
Que faire dans ce cas ? J’ai choisi de suivre une voie radicalement différente : Je ne cherche pas à lui apprendre à s’apaiser quand il voit un chien alors qu’il est en voiture. A présent, Vulcain sera mis en cage couverte d’un drap, et je vais faire en sorte que plus jamais il ne voit un chien à la vitre. Ce n’est pas une solution de facilité, ni une façon d’ignorer le problème, mais au contraire, une véritable écoute des besoins de mon chien.
Aujourd’hui, j’ai fait le choix de limiter le plus possible les interactions de Vulcain avec les chiens, les humains et les enfants, en veillant à ce que ces rares interactions soient toujours ultra positives. Vulcain en est le premier heureux et s’apaise chaque jour un peu plus. 🙏
🤸‍♀ Faisons un pas de côté en parlant des humains, vous voulez bien ?
J’ai peur du vide. J’ai vécu ça comme quelque chose de vraiment handicapant à un moment (à tel point que je devais me coller contre les murs sur les balcons tellement j’avais peur) puis comme quelque chose de vraiment relou par la suite (quand je voulais me mettre à l’escalade et que monter 1m50 me faisait trembler…). Je me suis dit que c’était vraiment pénible et que j’allais travailler ça. J’ai donc fait de l’escalade (du bloc) pendant un an, une grande partie à 1m du sol, et suis montée progressivement, essayant de dépasser mes peurs. A la fin, je pouvais monter en haut des voies et me sentais super fière. Le problème ? Quand j’y retournais, si peu qu’il se soit passé plus d’une semaine entre les séances, il fallait tout reprendre à zéro, j’avais de nouveau peur. 😨
Si je vous parle de ça, c’est parce que nous avons tou.te.s nos limites, des limites que nous ne pourrons peut-être jamais dépasser, ou alors au prix d’un effort considérable que tout le monde n’est pas prêt à payer. En ce qui me concerne, j’ai toujours autant peur de grimper à un mur et j’ai arrêté l’escalade, car à force de me confronter à ma peur, pourtant dans un contexte très positif et valorisant, toujours renforcé +++ (qu’est-ce que j’ai pu bouffer comme hamburgers après les séances ! 🍔), la peur avait fini par prendre le dessus. 😖
En ce qui concerne nos chiens, pourtant, nous n’hésitons pas à les confronter encore et encore et encore à leurs peurs/difficultés, à les pousser dans leurs derniers retranchements, avec toute la bienveillance du monde, des paillettes dans les yeux et du ‘scisson plein les poches, en nous disant qu’il faut bien qu’ils apprennent.
Est-ce qu’on peut prendre deux minutes pour demander aux principaux intéressés ce qu’ils en pensent ? La bienveillance, ce n’est pas imposer à l’autre ce qu’on estime bon pour lui, surtout quand ça n’est pas nécessaire.
Vous allez me dire que c’est facile à dire, que parfois, on DOIT leur apprendre. Peut-être, mais pas toujours et à mon sens, avant de vouloir enseigner à notre chien à gérer ses émotions ou se gérer lui-même, on doit se demander si on a vraiment TOUT fait pour gérer, avant tout, l’environnement dans lequel il évolue.
🐕 Tout faire pour que Kiki adore jouer en libre (ou en laisse…) avec tous les chiens, alors qu’il vous exprime par toutes ses pores (et sa crête de dragon sur le dos) qu’il préfèrerait rester à ronfler sur le canapé, vous le faites pour lui ? Vraiment ? …
🐕 Quand vous apprenez à Peluche à prendre une knackie en gueule sans la manger, pour la recracher sur votre demande, vous le faites pour qui exactement ? Pour lui apprendre à laisser un potentielle nourriture empoisonnée dans la rue sur demande ? Vraiment ? On a vraiment besoin de lui faire vivre ça pour y arriver ? …
🐕 Quand je vois des chiots mis en cage pendant des heures parce que vous ne voulez pas qu’ils mangent vos bouquins, vous ne préféreriez pas, je sais pas moi… Mettre les bouquins dans la cage plutôt ? …
Promis, je m’arrête là, déjà là je sens que je vais crisper quelques visages… 😁
Voici quelques pistes de gestion d’environnement, plutôt que de devoir gérer l’émotion du chien ou d’exiger du chien qu’il se gère lui même :
🌿 Ranger sa maison à l’arrivée d’un chiot, mettre en place des cache-prises, des plaques pour protéger les fils électriques et mettre temporairement le super fauteuil Louis XIV (et les tapis à frange) hors de sa portée le temps qu’il apprenne à planter ses quenottes ailleurs et à faire pipi sur les trucs à frange qui sont verts et dehors (le gazon, quoi.) plutôt que d’exiger de lui d’être capable de comprendre de suite que les pieds de canap’ ça ne se bouffe pas.
🌿 Si votre chien aboie sur les congénères en voiture, mettez le en cage et couvrez la cage d’un drap, il sera plus en sécurité qu’en liberté dans le coffre, et ne sera plus confronté à une situation difficile à gérer pour lui.
🌿 Vous ne voulez pas que votre chien aille dans votre chambre ou à l’étage ? Plutôt que de l’envoyer bouler quand il y va ou, dans le meilleur des cas, de lui apprendre pendant un temps plus ou moins long que cette zone est interdite, mettez une barrière bébé.
🌿 Si votre chien est terrifié dans votre rue et que vous bénéficiez d’un jardin ou d’un parking où mettre la voiture, choisissez plutôt de la garer à ces endroits, d’y faire monter votre chien et de partir ensemble en voiture en balade loin de la rue. Rien ne sert de le confronter à une situation difficile à peine sorti de la maison.
🌿 Si votre chien est agressif envers ses congénères, plutôt que de prendre le même chemin qu’une personne qui arrive en face avec son chien, emmenez votre chien en laisse/longe dans un chemin attenant ou même carrément dans un champ pour l’éloigner le plus possible. Ça ne sert à rien de le voir hurler au bout de son harnais, si ?
🌿 Si votre chien a peur de la ville, essayez plutôt de l’emmener se promener en zone rurale. Sa balade lui appartient, il a le droit d’être serein pour sortir.
🌿 Si votre chienne est en chaleur, ne la laissez pas dans un endroit peu sécurisé (comme un jardin mal clôturé) en vous disant qu’elle restera avec vous pour vos beaux yeux. Son instinct la poussera à aller voir chez le chien du voisin s’il a pas une sérénade sympa à lui chanter… Rendez-vous service, rendez service aux refuges, ne laissez pas vos chiens entiers divaguer en prétendant que c’est à eux de se gérer tout seuls. C’est des chiens, hein, ils sont sous VOTRE responsabilité. 😅
🌿 Si votre chien a peur des vaches, que vous avez deux chemins de balade pour lui faire faire un tour, et que l’un d’eux n’est pas attenant à un pré à vaches, rien ne sert de le forcer à passer à côté des vaches en tremblant tous les jours, choisissez l’autre chemin.
🌿 Mettez en place des tapis de travail antidérapants au lieu de faire faire à votre chien des spins sur un carrelage glissant. Ce n’est pas à lui de faire gaffe où il met ses pattes, mais au sol de lui permettre de travailler sans risques. Vous feriez du yoga sur une patinoire vous ?
🌿 Avant même d’adopter votre chien, demandez vous si VOTRE environnement de façon générale est approprié pour lui ? Des goldens de travail chez des personnes âgées ? Des malinois chez des personnes ultra sédentaires ? Un chien super pantouflard chez des randonneurs de l’extrême ? Un chien super stressé de façon générale qui vit en zone ultra-urbaine ? Un chien âgé et plein de douleurs entouré de trois enfants en bas âge ? Rendez service au chien que vous rencontrez, si votre environnement ne lui permet pas d’être pleinement heureux, aimez le suffisamment pour ne pas le prendre.
🌿 Si votre chien a peur d’une situation, demandez-vous s’il est vraiment nécessaire de l’y désensibiliser. Par exemple, si votre chien qui vit en centre-ville de Lille a peur des moissonneuses-batteuses, est-ce que vraiment, ça vaut le coup de lui faire vivre potentiellement tout plein d’émotions et d’entamer un gros travail de désensibilisation pour une rencontre avec une mois’bat’ tous les quatre ans ?
Aussi, rendez-vous service, rendez-service à votre chien, faites appel à un.e pro travaillant en éducation moderne et bienveillante pour vous accompagner dans les situations difficiles. Si rien n’oblige votre à chien à vivre plein d’émotions difficiles pour gérer une situation, c’est pareil pour vous. Aimez-vous suffisamment en ne vous forçant pas à gérer des problématiques face auxquelles vous n’avez pas les clefs.
Rédigé par Aura – Education Canine Bienveillante à retrouvé sur :
dogspirit
Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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