Ma furie écumante et bouillonnante en bout de laisse !

Un certain nombre de chiens sont réactifs à la laisse. Qu’est-ce que cela signifie ? Et comment les aider ?

Médor, d’ordinaire si placide, se transforme en furie crêtée et écumante sitôt qu’un chien entre dans son champ de vision. Toby saute et aboie comme un dingue dès qu’un vélo passe à portée de sa truffe. Quant à Lola, ce sont les humains aperçus au loin qui la mettent dans tous ses états. Son propriétaire ne parvient pas à lui faire entendre raison, elle ne se calme que lorsque les inconnus ont disparu. Les propriétaires de Médor, de Toby comme de Lola se désespèrent : que se passe-t-il dans la tête de leur toutou ? Comment doivent-ils se comporter ? Y a-t-il une issue à tout ceci ?

Un chien réactif sur-réagit, généralement lorsqu’il est à la laisse, à un ou des élément(s) de son environnement, voitures, vélos, congénères, êtres humains inconnus. Pour les propriétaires, les promenades peuvent rapidement se transformer en calvaires, décourageant même les plus motivés d’entre eux. Mais à quoi tout ceci est-il dû ? Et que peut-on tenter pour changer la situation ? A quoi cela est-il dû ?

La peur, cette grande source de réactivité

Avant tout, il faut souligner qu’un chien réactif est en inconfort. Il stresse, et son comportement n’est que le reflet de ses intenses émotions. Les attitudes des chiens réactifs peuvent être liées à différentes causes, au premier rang desquelles la peur. Les propriétaires pensent ainsi avoir en bout de laisse un monstre effroyablement agressif alors qu’en réalité, le pauvre toutou n’est mû que par la crainte.

 

 

Isoler les causes

L’une des premières démarches à entreprendre c’est donc, en compagnie d’un éducateur ou d’un comportementaliste, d’isoler la ou les cause(s) de la réactivité du chien. Grâce à une évaluation couplée à un questionnaire très précis, celui-ci réussira à comprendre ce qui pousse le chien réactif à agir ainsi dans certaines circonstances. En prenant ensuite en compte le profil émotionnel du chien ainsi que le mode de vie et les attentes des propriétaires, il pourra établir un programme ciblé, et mettre en place des stratégies adaptées à la situation, au cas par cas.

 

En cas de peur notamment, diverses techniques d’habituation, de désensibilisation et de contre-conditionnement peuvent ainsi être proposées et utilisées. De quoi s’agit-il ? L’habituation, comme son nom l’indique, consiste à habituer le chien à ce qui l’effraye ou le fait réagir. Si un chien n’aime pas le bruit de la sonnette, on l’habituera, par une exposition quotidienne, à ce bruit honni. C’est certes un travail de longue haleine, mais qui peut donner d’excellents résultats. La désensibilisation, c’est le cran au-dessus : on augmente progressivement l’exposition aux stimuli stressants. Ainsi d’un chien qui aurait peur des pétards : on commence par lui faire écouter des enregistrements de pétards, à faible intensité, puis on lui en fait entendre au loin (mais en réel), puis on rapproche peu à peu les pétards et on augmente les décibels – toujours, de préférence, en association avec un stimulus plaisant et agréable.

 

Enfin, le contre-conditionnement vise à modifier l’émotion ressentie par le chien et à lui apprendre un comportement alternatif, et incompatible, qu’il pourra produire en lieu et place du comportement non désiré. Par exemple se retourner vers son propriétaire pour recevoir une récompense plutôt que de s’élancer contre ce qui lui semble menaçant. Progressivement, la présence de congénères / vélos / rollers / inconnus ne sera plus source de danger, mais de plaisir. Et le chien pourra véritablement choisir entre maintenir le comportement qu’il avait mis en place de lui-même et opter pour celui qu’il a appris avec son propriétaire.

 

Pas que la peur…

Attention, la peur n’est pas la seule cause des réactivités canines. Tout comme l’hyper-attachement n’est pas la seule raison des destructions, des malpropretés ou des vocalisations intempestives d’un chien laissé seul. C’est pourquoi il est bien de ne pas agir seul, mais de se faire accompagner par un spécialiste.

 

Manque de socialisation ou de familiarisation, apprentissage et conditionnement, prédation, manque d’activité, surexcitation ou profil « hyper », mauvaise gestion des émotions, expériences traumatisantes, distancement ou frustration sont autant de causes pouvant rendre un chien réactif. Les techniques utilisées ne seront alors pas forcément les mêmes, et il pourra s’avérer nécessaire d’agir plus en amont et de revoir tout le système relationnel du chien et de son ou ses propriétaire(s). L’on proposera un plan de familiarisation aux chiens ayant été carencés de ce côté-ci, tandis que l’on mettra peu à peu un chien mal socialisé en présence de congénères triés sur le volet, des chiens aux capacités de communication éprouvées et adaptés à l’individu que l’on souhaite aider et resocialiser.

 

Cibler les limites du chien et celles du propriétaire

Il est important de toujours se demander quelles sont les limites du chien et du propriétaire. Les stratégies thérapeutiques sont ainsi limitées concernant les chiens aux profils « hyper », ou les chiens à la prédation très marquée. Un professionnel expliquera toujours au propriétaire qu’il y a des aspects sur lesquels on ne peut pas agir, qu’il faut aussi, à un moment, lâcher prise, accepter son animal comme il est : vivant, donc « imparfait », avec son tempérament, sa personnalité, ses expériences, et sa manière d’affronter le monde qui l’entoure. On ne peut pas tout vouloir de son chien, on ne peut pas tout lui demander et tout attendre de lui. L’une des étapes du travail va par conséquent consister en une acceptation de ce qui est, et sera sans doute toujours.

 

Du côté du propriétaire, les limites sont également à prendre en compte. Quelles sont les capacités de ce propriétaire à mettre en œuvre les stratégies recommandées ? L’âge, les aptitudes physiques et sportives, la motivation évidemment, mais aussi la capacité à comprendre les attitudes du chien et à réagir de manière appropriée vont faire toute la différence. Là où certains propriétaires réussiront à sortir leur chien de son (éventuel, puisque tout est question d’appréciation) désarroi, d’autres peineront, voire jetteront l’éponge.

 

Se poser les bonnes questions

Il est également une question à se poser, peut-être la plus importante : pourquoi vouloir changer les choses ? Est-ce pour le confort du chien, ou juste pour le confort du propriétaire ? Le propriétaire est-il mû par une envie de soulager son toutou, ou pense-t-il surtout au qu’en dira-t-on, à ce que peuvent penser les gens, ou les voisins, quand ils le voient avec un chien déchaîné et incontrôlable ? Veut-il un chien « comme les autres », ou « comme il se l’imagine », au détriment de ce chien-ci, celui avec lequel il vit et qui le laisse perplexe et désemparé ? Autant d’axes de réflexion, et évidemment de pistes de travail.

 

L’effet laisse

Cet article ne serait pas complet si l’on n’y abordait pas « l’effet laisse ». Un chien attaché à un mètre cinquante de tissu ne se comporte pas de la même manière que lorsqu’il est libre. Pourquoi ? Parce que la laisse l’entrave, l’empêchant de prendre la distance qu’il souhaiterait, l’empêchant aussi de communiquer de manière optimale ou de se soustraire à ce qui l’ennuie.

 

La laisse agit également comme un conducteur d’émotions, celles du propriétaire se propageant à son animal. Lorsque la laisse se tend, le chien pense que son humain a peur, s’inquiète : la situation devient anxiogène, et il réagit. Le chien ne peut en effet pas imaginer que son humain puisse avoir peur des réactions qu’il va lui-même avoir. C’est en somme un cercle infernal !

 

Enfin, à la laisse, un chien peut avoir tendance à protéger sa « ressource » humaine. Si le relationnel entre le chien et son propriétaire n’est pas sain, ou si le chien est très susceptible vis-à-vis de certaines ressources (parmi lesquelles, donc, son maître), il peut sur-réagir dans certaines circonstances, parfois même encouragé, inconsciemment et involontairement, par son propriétaire.

 

La distance de sécurité

Un autre élément très important en cas de réactivités canines : la distance de sécurité. Chaque chien a sa propre zone de confort. Pour certains, elle est très étendue, pour d’autres très limitée, cela dépend des individus, de qui ils sont, des expériences qu’ils ont faites. Moi, par exemple, je ne supporte pas que quelqu’un s’asseye tout près de moi dans une salle d’attente. Parfois, il faut même que je sorte de la pièce pour ne plus stresser et me sentir mal. Les chiens sont comme nous : quand quelque chose d’inquiétant franchit leur bulle, ils s’excitent. Leur but, faire ressortir l’intrus de cette zone de confort – puisqu’ils sont à la laisse et ne peuvent pas rétablir la distance par eux-mêmes. C’est toujours en partant de cette distance de sécurité que l’on travaillera avec un chien réactif.

dehasse distance critique fuiteLa distance critique illustrée par Joël Dehasse,
in Tout sur la psychologie du chien (Odile Jacob)

 

Les vertus du calme

En résumé, l’on peut dire qu’un chien réactif est agi par des émotions fortes, qu’il exprime de la manière qu’il a apprise, et qui lui semble fonctionner. Crier sur lui, s’énerver, le bousculer sont de très mauvaises attitudes et réactions. Elles ne font que renforcer le chien dans son ressenti : ce qui vient en face est mauvais, dangereux, à repousser. Il va de surcroît rapidement associer la présence de l’objet à ce qu’on lui fait subir comme désagréments, et sa réactivité en sortira renforcée. L’on ne prônera jamais assez les vertus du calme. Du calme, du respect, de la connaissance et de la réflexion.

Marie Perrin comportementaliste

https://marieperrincomportementaliste.wordpress.com/2017/07/01/ma-furie-ecumante-et-bouillonnante-en-bout-de-laisse/

 

dogspirit
Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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