La socialisation/familiarisation du jeune chien

Avant de penser à avoir un chien bien éduqué, il est indispensable de lui permettre de s’éveiller au monde qui l’entoure. Un chien apprend tout au long de sa vie, mais la période la plus déterminante de son existence, celle dont dépendra sa capacité à s’adapter aux situations nouvelles, est extrêmement courte : il s’agit de la période dite de « socialisation primaire », qui commence aux alentours des trois semaines de l’individu, jusqu’à ses trois/quatre mois environ. Pendant ce laps de temps bien défini, le chiot découvre le monde (du moins, il le devrait !), et la qualité de ses apprentissages déterminera son seuil de tolérance futur à tous les stimuli auxquels il sera confronté. Plus ses apprentissages seront riches, plus les connexions neuronales du cerveau du chiot seront nombreuses, et plus sa « base de données » sera vaste

Au contraire, si le jeune animal a vécu ses trois premiers mois dans un environnement pauvre, il sera incapable de s’adapter correctement à un milieu stimulant, et ce phénomène sera irréversible. Ne choisissez donc pas pour compagnon un chiot de quatre mois qui n’aura connu que la cour d’une ferme au fin fond de la Lozère, si vous habitez en ville. Au mieux, ce dernier pourra éventuellement tolérer un tel environnement, mais il ne s’y sentira jamais à son aise. Au pire, il sera terrifié par son nouveau lieu de vie, et il vivra (et vous fera vivre) un calvaire quotidien.
 
Beaucoup de propriétaires de chiens anxieux sont persuadés que leur compagnon a vécu une mauvaise expérience (violence physique ou psychique) lors de ses premiers mois, et qu’il en est resté traumatisé. En réalité, ce type de chien qui a peur de son ombre souffre la plupart du temps d’un « syndrome de privation sensorielle », c’est à dire d’un gros déficit de socialisation. Peu stimulés au moment le plus capital de sa vie, les sens du chiot sont désormais submergés par le bruit, le monde, la présence des autres chiens, les regards qui le fixent, les mains qui se tendent. Selon l’expérience que le chien a reçue (ou plutôt qu’il n’a pas reçue), il pourra être sensible à un stimulus en particulier (par exemple, un chiot mal socialisé aux humains qui aura une peur bleue des inconnus, un animal qui paniquera en voiture car il n’aura jamais été habitué à ce type de transport dès le plus jeune âge, etc), ou à plusieurs d’entre eux (un chien qui a peur des humains inconnus, des autres chiens, des bruits forts… ce qui rend son intégration dans notre société humaine quasiment impossible).
 
Je me souviens d’une petite chienne de race Berger Australien qui avait passé ses premiers mois en animalerie, et avait été achetée à l’âge de quatre mois : n’ayant connu que la vitrine derrière laquelle elle était exposée, elle avait développé une phobie des pieds. Pour elle, un être humain n’était constitué que d’un buste et d’une tête, puisque ce sont les seuls éléments du corps qu’il lui était donné de voir. Dans le même genre, je me souviens du petit Pancho, un tout jeune Border Collie acheté une bouchée de pain dans une ferme. Le petit Pancho était venu participer à une session chiots que j’organisais dans le cadre de mon activité d’éducatrice canin. Cette petite boule de poils noire et blanche était entièrement inhibée, comme si elle venait de débarquer dans un monde auquel elle ne comprenait rien. Un cours collectif peut être intimidant pour certains chiots, mais là n’était pas le problème, puisqu’apparemment, même à la maison, Pancho passait son temps caché sous un meuble. Aucun membre de la famille ne pouvait le toucher, sauf en le forçant. Et même dans ce dernier cas, Pancho ne réagissait pas, il subissait. C’était triste à voir, autant pour le petit animal que pour ses humains. Ces derniers espéraient que la situation s’améliorerait au fil des jours, mais cela n’a pas été le cas. J’ai appris, peu de temps après, qu’ils avaient ramené Pancho à la ferme où il était né. Ils avaient compris qu’il ne pourrait jamais s’adapter à la vie de chien de compagnie, sa socialisation primaire ayant été totalement négligée. ​
 
Les éleveurs consciencieux font désormais leur possible pour socialiser correctement leurs chiots. Ces derniers devraient être manipulés quotidiennement dès le plus jeune âge, et exposés aux stimuli auxquels ils seront confrontés une fois adultes : la voiture, les bruits de la maison, les autres chiens, les animaux d’autres espèces (chats, poules, chevaux…), les enfants… La manipulation de l’éleveur seul n’est pas suffisante, et il est bénéfique pour le chiot de pouvoir rencontrer différents types d’humains (hommes, femmes, bébés, personnes âgées…). ​Quand le chiot de moins de quatre mois arrive dans sa nouvelle famille humaine, à elle de prendre le relais, et de poursuivre sa socialisation. La pire erreur à commettre est de priver le chiot de sorties avant son rappel de vaccins à l’âge de trois mois ! Ce temps perdu ne serait pas rattrapable par la suite. Bien sûr, il convient d’être raisonnable, et de ne pas immerger le chiot dans un parc à chiens dont l’hygiène serait douteuse et où une dizaine de congénères se précipiteraient sur lui pour le renifler. N’oubliez pas : stimuler est important, mais sur-stimuler est néfaste. ​Il est préférable que les nouvelles expériences vécues par le chiot soient qualitatives plutôt que quantitatives : par exemple, si vous souhaitez le confronter à ses congénères, préférez quelques chiens bien codés à un groupe de chiens excités. Veillez à ce que votre chiot découvre le monde sereinement, en vivant un maximum d’expériences positives. Ne le surprotégez pas non plus : si un congénère peu aimable le remet en place un peu vivement, cela fait aussi partie des expériences de la vie. Votre chiot apprendra peu à peu que tous les chiens n’ont pas envie d’interagir avec lui. Pensez aussi que votre propre réaction à une situation donnée influence grandement l’interprétation que votre chien en fait : essayez au maximum d’être serein quand vous vous promenez avec votre compagnon, même si ce n’est pas évident tous les jours, j’en conviens. ​
 
Si votre chien approche de la puberté, préparez-vous à l’éventualité qu’il traverse une période de désocialisation, pendant laquelle il se mettra à avoir peur de choses qu’il ne craignait pas auparavant : il peut par exemple se mettre à aboyer sur les passants ou les autres chiens. L’adolescence est une période de tempête émotionnelle que le jeune chien peut avoir du mal à gérer. Bien souvent, la situation s’améliore d’elle-même au fil des mois, et le jeune chien développe son tempérament d’adulte, avec ses préférences d’adulte, qui ne seront pas nécessairement celles qu’il avait lorsqu’il était chiot. Il peut par exemple se détourner des jeux avec les autres chiens, qui l’intéresseront beaucoup moins qu’avant. ​
Enfin, si la socialisation est capitale, elle ne fait pas tout le tempérament d’un chien : certains chiens correctement socialisés peuvent par exemple devenir réactifs à cause de facteurs environnementaux divers, ou d’une génétique instable. Certains gènes s’exprimant « à retardement », à partir de la puberté seulement, ces traits de caractère ne sont pas toujours visibles dès le plus jeune âge. Mais une socialisation primaire de qualité permet de mettre toutes les armes de son côté pour avoir un chien adaptable aux stimuli de la vie de tous les jours (dans la limite du raisonnable : on n’emmène pas un chien à un feu d’artifice par exemple, même s’il est impassible face à la plupart des situations. Les situations de stress inutile sont à proscrire absolument).
Enfin, un chien, même s’il a reçu une socialisation primaire d’excellente qualité, a besoin d’enrichir son expérience tout au long de sa vie. Si vous le laissez enfermé dans un jardin la plupart du temps, il aura beau avoir été habitué à toutes les situations possibles et imaginables étant chiot, il perdra peu à peu son adaptabilité au monde. La socialisation doit être enrichie tout au long de la vie du chien.
 
Extrait de « Dans la Tête du Border Collie », écrit par Elsa Weiss/Cynopolis, disponible en version papier et numérique via le lien suivant : https://www.amazon.fr/Dans-Tête-Border-Collie-extraordinaire/dp/B09YQQJXCD/ref=mp_s_a_1_1?crid=3UIZXSYAVKK7R&keywords=dans+la+tete+d%27un+border+collie+elsa+weiss&qid=1659345452&sprefix=%2Caps%2C244&sr=8-1

 

Article rédigé par Elsa Weiss de Cynopolis à retrouvé sur :   https://www.facebook.com/Cynopolis-105161501176456

dogspirit
Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

Write a Comment