Ignorer ou pas?

au sujet de l’extinction du comportement…

Une des (nombreuses) « über simplifications » d’une approche d’éducation sans violence est celle qui fait dire à de nombreuses personnes que nous renforçons les bons comportements et « ignorons » les moins bons.

Si c’est certainement vrai dans un processus de « shaping » structuré intelligemment, les erreurs étant réduites à leur minimum et les succès rendus possibles à leur maximum, c’est un peu plus laborieux et contestable dans la vie de tous les jours.

Ce presque consensus du « ignore » a longtemps été un bastion de l’éducation canine : ignore quand le chien te saute dessus et qu’il t’a littéralement coupé le souffle, pendant que tu essaie de rester vaillamment sur tes gambettes, ignore quand il aboie avec une telle constance que tu te demandes comment il fait pour respirer encore, ignore quand il dévore les pieds de ton meuble favori ?

Vision apocalyptique de la maison de l’éducateur non punitif : nos grand-mères renversées, notre intérieur saccagé, nos rôtis qui s’en vont au jardin dans la gueule du chien, nos chiens qui aboient des heures avant de prendre conscience que cela ne fonctionne pas (entre temps, nos voisins nous ont tués évidemment) … sérieusement ? 🙂

Éduquer en positif ne signifie certainement pas « ne pas éduquer » et attendre de manière passive que les comportements inacceptables disparaissent par enchantement, au grand dam de nos nerfs.

Éduquer en positif signifie, surtout et avant tout, prendre l’émotionnel du chien en considération et ne pas le mettre en frustration (ce qui nous emmène au concept qu’on peut éduquer à la friandise et ne pas travailler en positif malgré tout, ce qui reste assez fréquent).

maginez-vous devant une toute nouvelle machine à café dont vous ne maîtrisez pas le fonctionnement : vous tapez sur le bouton violet – pas de café.

Vous optez immédiatement pour le bouton vert : votre café arrive, votre irritation est restée tout à fait maîtrisée et maîtrisable parce qu’une solution efficace s’est immédiatement offerte à vous, tout va bien (et c’est un conditionnement, ce mot qui fait si peur à certains – cela s’appelle, aussi, un apprentissage).

Être compétent (savoir comment faire pour obtenir ce dont on a besoin / envie), est une grande source de sérénité.

Imaginez-vous maintenant, en train de taper tous les boutons de cette fichue machine et que rien n’y fait : aucun café n’arrive (alors que vous avez farouchement envie d’un café, là tout de suite, mettez-vous dans l’optique d’un dépendant à la caféine si vous n’en êtes pas un).

Votre irritation est à son comble… selon votre nature, vous allez soit secouer à la machine, soit commencer à l’agonir d’injures (ça, c’est moi), soit renoncer à votre café dans un immense soupir de dépit et continuer votre rituel matinal dans une humeur massacrante. Si vous êtes dans un état de stress permanent, il est possible de voir un sujet particulier fracasser sa machine (c’est extrême mais ça existe).

Dans tous les cas de figure, vous ne serez certainement pas très satisfait de ce réveil et le dépit vous accompagnera subtilement dans la journée.

Vous appuyez sur un bouton pour faire arriver un ascenseur… parce que vous avez vingt étages à gravir pour vous rendre à un rendez-vous.

Rien ne se passe. Que faites-vous ? Vous retapez sur ce bouton et, la frustration qui monte faisant son travail, vous allez vous mettre à taper furieusement sur ce maudit bouton, en râlant sec : ça, c’est ce qu’on appelle « l’extinction burst » en anglais, à savoir un pic du comportement qui se fait plus affirmé, plus fort, plus fréquent avant d’y renoncer (et, donc, de se résoudre à emprunter l’escalier).

Travailler avec un chiot de quatre semaines qui vous saute mignonnement sur les chevilles et s’aperçoit que ça ne lui vaut pas votre attention est tout à fait différent que de travailler avec un jeune chien de 8 mois et 15 kilos qui a TOUJOURS obtenu de l’attention (fut-elle aversive d’ailleurs) par ce comportement (depuis qu’il a 4 semaines justement, parce que, à cet âge-là c’est irrésistible).

Accessoirement, je précise que repousser le chien, le « gronder », lui hurler « non, pas sauter » (de grands classiques) C’EST précisément, lui accorder de l’attention et renforce donc le comportement de vous sauter dessus (dommage). 

Accessoirement bis, demander au chien un « assis » (un autre grand classique) après qu’il vous ait défoncé le ventre en vous sautant dessus et lui donner une friandise quand ses fesses touchent le sol est ce qu’on appelle une chaîne de comportement et que vous aurez, aussi, renforcé le fait de vous sauter dessus (dommage bis).

Entre la frustration, qui est une émotion très proche de la colère, le dépit qui nuit à la relation (personne n’aime être ignoré), la détresse acquise qui peut faire son apparition si le concept de l’ignorance se généralise (quand rien ne fonctionne, je ne fais plus rien), ignorer est très rarement une bonne idée, qu’il s’agisse d’animaux ou d’humains d’ailleurs.

Ce grand classique proféré qu’il s’agisse d’animaux ou d’humains « il le fait pour attirer l’attention » – peut être aisément reformulé en « il le fait pour entrer en relation »en d’autres termes, il existe un besoin et ignorer un besoin ne m’apparaît pas comme l’expression la plus bienveillante de l’éducation.

L’idée d’ignorer les mauvais comportements a dû faire son apparition comme une version inexacte du « focalisez-vous sur les bons comportements ».

Chez les enfants, peu de parents pensent à aller DIRE aux enfants qu’ils apprécient qu’ils dessinent gentiment pendant qu’ils bavardent avec des adultes. Par contre, quand les enfants courent en hurlant partout quand on essaie d’avoir une conversation, pratiquement tous les parents vont gronder.

Savoir VOIR et renforcer, les bons comportements est toute une stratégie et un art qui prend du temps et qu’il faut planifier.

Renforcer un bon comportement, aussi fugitif soit-il, n’a vraiment rien à voir avec le chantage « tu auras ça, si tu fais ça ». 

Notre nature nous mène très naturellement à nous focaliser sur les évènement disruptifs, aversifs, désagréables (et non pas parce que nous sommes tendancieusement d’horribles personnes mais parce que la nature a sélectionné ce choix pour d’évidentes raisons de survie).

Je me rappellerai toujours d’un petit chien, aboyant furieusement sur le bord d’un terrain d’agility et sa propriétaire lui « tournant le dos » comme trop souvent préconisé : le chien lui a chopé le fessier et y est resté accroché de longues secondes avant de lâcher. La frustration, la colère sont rarement bonnes conseillères en termes de comportement, chez le chien tout comme chez nous, les humains.

Alors que faire me direz-vous ? Pas punir, pas ignorer, que faire ?

Anticiper et résoudre

Le chien saute sur les personnes qui arrivent chez vous ?

Travailler en parallèle à renforcer les 4 pattes au sol ET rendre ce comportement impossible quand les gens arrivent (le chien ne peut pas atteindre l’invité d’emblée, les gens peuvent lancer des friandises AVANT que le comportement se produise, vous pouvez garder le chien attaché et renforcer le calme, apprendre au chien à « cibler » le pied de l’invité et renforcer ce succès, les solutions sont toujours multiples).

Le chien ronge les pieds de la commode ?

Les envelopper de feuilles d’aluminium, poser les pieds dans des gobelets en plastique, en parallèle fournir au chien d’amples possibilités de ronger des objets acceptables (jouets solides, Kong farcis, autres).

Le chien aboie ?

La thématique de l’aboiement est riche et complexe et ne peut pas être abordée par un truc ou un autre mais, globalement, il est toujours important de déterminer ce qui déclenche l’aboiement et de prévenir cette situation. Le chien qui aboie à la porte quand on sonne devrait être contre conditionné rapidement en lançant des friandises au sol dès que la sonnette retentit – ensuite, on peut lui apprendre que la sonnette est le «signal » qui lui indique d’aller à sa place (et, non, ce n’est pas «récompenser l’aboiement » car il s’agit d’une simple association entre un évènement et un autre).

Le chien qui aboie avec furie au bord d’un terrain ne devrait pas y rester, tout simplement et devrait aller dans une cage couverte, dans la voiture ou être occupé autrement à la distance nécessaire. Le retour dans la situation devrait se faire très progressivement dans l’apprentissage du calme.

Le chien vole de la nourriture dans la cuisine ?

Rendre l’accès à la cuisine impossible (portail bébés), lui apprendre à rester sur une cible spécifique (dodo) quand on s’affaire en cuisine, ne plus jamais rien laisser à sa portée sur les plans de travail (prenez vos responsabilités), lui apprendre à « laisser » sans intimidation.

Acceptons que plus un chien aura pratiqué un comportement inapproprié avec succès (quémander à table, par exemple) plus long sera le contre conditionnement… et que, si nous en sommes là où nous en sommes, nous avons contribué, le plus souvent, à construire cet état de fait.

Il nous incombe donc d’aider le chien à apprendre autre chose et à faire «autrement », ce qui va demander un bon petit plan d’apprentissage, une bonne gestion de l’environnement, le renforcement d’un comportement incompatible avec celui qui dérange (le chien ne peut pas être à la fois sur son dodo et en train que quémander ou les 4 pattes au sol et en train de nous sauter dessus).

Comme toujours, on en revient à donner des compétences au chien… l’obéissance n’existe toujours pas dans mon vocabulaire et dans ma vision du monde.

Je préfère apprendre à nos amis à quatre pattes que l’attention, le jeu, la participation aux activités, les friandises, les accès, bref… les bonnes choses arrivent avec une réjouissante régularité par le biais de comportements spécifiques, utiles pour eux, acceptables pour nous.

Happy Training
 Rédigé par l’excellente Cynthia Edelman de Magic Clicker
dogspirit
Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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