La coprophagie

On appelle « coprophagie » le comportement qui consiste à ingérer des matières fécales. Le chien peut manger ses propres fèces qu’il dépose dans l’environnement ou celles d’un congénères, ou encore celles d’une autre espèce animale.

Les maîtres sont souvent dégoutés par ce comportement, surtout lorsque le chien décide ensuite d’aller leur lécher le visage. Néanmoins, il s’agit d’un comportement normal. Faut-il s’en inquiéter ? Comment le prévenir ou le supprimer ?

Bien comprendre le monde sensoriel du chien permet de s’affranchir d’une moralisation sanitaire anthropomorphique.

Les situations naturelles de coprophagie
  • A la naissance, les chiots sont regroupés sous la mère, sourds et aveugles, encore très peu développés. L’immaturité sensorielle et des sphincters oblige la mère-chien à stimuler la zone anale par léchage afin d’aider le jeune à éliminer ses excréments. Sans cette prise en charge maternelle, le nouveau-né meurt, intoxiqué par ses matières fécales et ses urines. La mère ingère alors les selles du nouveau-né. Elle nettoie ainsi le nid et ses abords.
  • À l’âge de trois semaines, débute la période des explorations et des interactions avec l’environnement. Forts de toutes leurs capacités perceptives, les chiots mettent en gueule tout ce qu’ils trouvent. L’exploration est essentiellement orale avec peu de capacité discriminative. Ils peuvent avaler certains objets non alimentaires, et les selles s’avèrent très attractives par leur odeur. La mère continue aussi de les ingérer jusqu’au moment du sevrage, vers l’âge de cinq semaines. Il est possible que les chiots commencent à le faire par accentuation sociale. Le chiot joue avec ses frères. Ils émettent leurs crottes au cours des déplacements de jeu, peuvent marcher dedans et ensuite se lécher. Là encore, il ne faut pas considérer cela comme anormal ou pathologique. Les préoccupations sanitaires humaines n’ont rien à voir avec le monde sensoriel et ludique du chien.
  • A l’âge adulte, le chien exprime des comportements de prédateur carnivore. Dans la nature, il chasse des proies dont il ingère naturellement le contenu du tube digestif. L’appétence, associée à l’apport de certains nutriments, a permis de conserver ce comportement naturel et utile lorsque le chien n’est pas nourri par l’homme. Malgré un apport d’aliment apprécié, suffisant et équilibré, le chien domestique garde l’instinct d’ingestion d’excréments dont l’odeur est fortement attractive.
Les situations particulières de coprophagie excessive

La coprophagie parfois excessive peut correspondre à des causes médicales ou comportementales.

Les causes médicales sont bien identifiées et peu fréquentes

  • Lors de malnutrition et d’insuffisance d’apport alimentaire, le chien s’oriente vers les excréments et les ingère d’autant plus aisément.
  • Lors de parasitisme digestif, d’aliments faiblement digestibles ou d’insuffisance pancréatique (déficit en enzymes digestives), le chien est susceptible de rechercher et d’ingérer plus fréquemment ses excréments.

En dehors de ces causes organiques, il s’agit d’un comportement normal qui s’adapte aux situations quotidiennes et répondent à contraintes environnementales imposées par l’humain.

  • Les chiens nombreux confinés en chenil et bénéficiant de peu de sorties sanitaires ont tendance à manger leurs crottes. En effet, le chiot, naturellement fait ses besoins à distance des lieux de repas et de couchage. S’il est obligé de tout faire au même endroit, il peut être tenté d’ingérer ses crottes afin de les éliminer du lieu de repas ou de repos.
  • Maintenu en chenil avec peu d’activité, le chien reporte son besoin d’exploration sur une activité annexe, l’ingestion des selles à sa portée. Le désoeuvrement peut inciter le chien à les manger sans autre motivation que l’ennui.
  • Les chiens qui voient d’autres chiens manger des crottes peuvent être tentés d’en faire autant. En groupe, de nombreux comportements sont appris par facilitation sociale.
  • Dans un contexte familial, en promenade, le chien qui mange ses crottes ou celles d’un congénère provoque une réaction de son maître qui cherche à l’en empêcher. Le maître crie ou tire sur la laisse. La première fois, le chien lâche la crotte ou l’ingère très vite. Il apprend donc progressivement à l’avaler de plus en plus vite avant que son maître n’ait le temps de lui dire « non ». Il en fait un jeu et attire aussi l’attention du maître par ce comportement, qui devient très vite un comportement appris et renforcé.
Comment y remédier ?

En dehors des situations médicales décrites, la coprophagie systématique est le fruit d’un apprentissage. Elle peut donc être supprimée par apprentissage. En effet, l’ingestion des selles constitue une récompense, soit pour échapper à leur présence à proximité du lieu de couchage, soit pour échapper à la sanction du maître, soit pour attirer l’attention. Dans tous les cas, l’appétence constitue un puissant renforcement positif naturel.

  • Il est conseillé, dès le plus jeune âge, de sortir fréquemment le chiot pour lui éviter de déféquer à l’intérieur et d’ingérer ses selles pour nettoyer les lieux. Dans un pavillon, le mieux est de sortir le chien hors du jardin afin qu’il ne retrouve pas ses selles peu de temps après les avoir produites.
  • En promenade, on peut utiliser une longe, et lorsque le chien se retourne après avoir fait ses besoins, l’attirer en l’appelant et en tirant légèrement sur la longe puis donner une friandise dès qu’il vient. Il faut créer un conflit de motivation afin que le chien soit plus attiré vers le maître et sa récompense que vers les crottes. Il faut être attentif au moment où le chien a presque fini de déféquer, afin d’intervenir suffisamment vite pour canaliser son attention vers une autre issue que l’ingestion immédiate. Il est possible de lui donner d’emblée une friandise, comme décrit ci-dessus, ou bien d’accélérer le pas, courir, et entamer un jeu en s’éloignant rapidement du lieu d’émission. Cela permet au chien d’oublier l’attirance qu’il pourrait ressentir pour ces matières encore chaudes.
  • Il est bien sûr conseillé de promener le chien lorsqu’il est rassasié et non à jeun.
  • Lorsque le chien s’éloigne et réussit à attraper des crottes hors de la surveillance du maître, il est impératif de ne pas réagir et d’ignorer le méfait. On peut aussi se cacher pour que le chien vive un stress de perdre le maître pendant qu’il ingère les crottes. S’il a peur de perdre son maître, il peut associer ce stress au moment de l’ingestion et abandonner l’ingestion au profit de la recherche du maître. Mais s‘il a déjà ingéré les crottes, il est inutile de le disputer.
  • Si le chien a appris à ingérer ses crottes émises à l’intérieur pour éviter la sanction, donc par renforcement négatif, il est essentiel de réapprendre au chien à faire ses besoins dehors exclusivement par renforcement positif. La coprophagie disparaît alors de fait car le chien ne fait plus ses besoins dedans.

Rédigé par le Dr Vieira Isabelle

Vétérinaire Comportementaliste DENVF
Chargée d’enseignement en éthologie clinique dans les ENV

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Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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