Disruptons !

Aujourd’hui, à la fois pour sortir un peu des réflexions qui nous hantent en ce moment, et pour répondre à la demande d’une foule en liesse (c’est vous ça), avide de savoirs en tous genres, curieuse, intéressée, et surtout désireuse de mettre son immense intelligence au service du chien, le rédacteur de cet article (c’est moi ça), va s’empresser d’évoquer une notion tout à fait indispensable, mais qui n’apparaît pourtant que très rarement dans ce qu’on peut trouver à lire, à la fois sur le net et sur le papier.
Alors pour vous, mes huit lecteurs, évoquons aujourd’hui avec beaucoup de précautions un outil très intéressant : le « stimulus disruptif ».

Tout d’abord, parce que je sais que des petits malins auront rapidement à cœur de railler ce terme à grand renfort de « Mouai ben si faut avoir fait polyclinique pour avoir un chien ! », ou encore de « Nimporte quoi, cé un mot d’électricien sa » (je l’ai lu sur la page d’un de nos célèbres bourrins de l’éduc, lorsque j’avais évoqué ce terme il y a quelques années), il est important d’expliquer que lorsqu’on étudie un domaine, quel qu’il soit, il est important d’en adopter la terminologie. D’abord pour pouvoir mettre des mots sur des faits, mais également parce que la communication est beaucoup plus sure et efficace lorsque le vocabulaire est commun à tous.
Deuxièmement, il faut être conscient que si ce stimulus disruptif peut nous sortir de certaines situations embarrassantes, ou même dangereuses, il faut être extrêmement prudent en l’utilisant.
Rassurez-vous, je n’ai pas inventé cette notion de « stimulus disruptif », si vous la recherchez telle quelle dans votre moteur de recherche préféré, vous vous en rendrez compte rapidement. La définition la plus courante du stimulus disruptif est la suivante : Un stimulus disruptif est un stimulus sans lien direct avec la séquence comportementale en cours, mais qui va provoquer un arrêt brutal, puis naturellement une phase d’attente, d’expectative.
La plupart du temps, et vous en avez probablement déjà fait l’expérience, il permet de casser instantanément une séquence comportementale. Point important, au plus ce stimulus intervient tôt dans la séquence, au plus son efficacité est grande.
Pour ceux qui se demandent de quoi qu’je cause, voici un exemple :
Choupinette, la chienne de tata Simone, aime beaucoup le chat, elle l’aime tellement qu’elle voudrait bien le goûter. Mimine (toutes les chattes s’appellent Mimine) n’est pas dupe et se méfie de Choupinette. Dès qu’elle la croise, elle démarre comme une fusée pour se mettre à l’abri. Alors s’entame une course poursuite dantesque dans la maison, dans un chaos assourdissant, dont le bilan en casse ne dépassera que péniblement les 15€, par manque de moyen. (Son mari dilapidant l’argent du foyer au PMU, autour d’un pot de rouge, afin de maintenir un semblant de cohésion sociale dans le quartier).
Lorsque Choupinette démarre, tata a toujours la même réaction, elle lui court après aussi en vociférant, ce qui n’a aucun effet, la chienne continue la poursuite.
Papy Pétou, lui, a une autre technique. Lorsque ses moyens sont suffisants (entendez lorsqu’il n’est pas rentré complètement rond déboulonné du PMU), et lorsque la situation se produit, il claque une fois des mains, puis appelle Choupinette :
« CLAC » « Choupipi, buuurp, viens donc avec moi, buuurp, pour regarder Plus belle la vie… Buuurp »
Le claquement de mains stoppe la chienne pendant une fraction de seconde, que papy utilise pour attirer la chienne vers lui et lui proposer une activité intéressante : ronfler comme un porc affalé sur le sofa.
Ce claquement de mains EST ce stimulus disruptif.
La séquence de prédation sur le chat a été stoppée par ce bruit inattendu, pendant une fraction de seconde, que papy a utilisé à bon escient.
Là, je vous arrête de suite, et j’attire votre attention sur les risques que représente cette technique. Le stimulus, pour être disruptif, doit être suffisamment surprenant, mais sans provoquer la peur, soyons d’accord. Si le chien a peur, il ne s’agit pas d’un stimulus disruptif, mais clairement d’une forme de punition, ce n’est absolument pas le but.
Le stimulus est donc à adapter, à moduler, en fonction de la sensibilité du chien, mais aussi en fonction de la situation. En clair, le stimulus qui permettra d’arrêter un jack-russel dans un poulailler ne sera pas le même que celui qui arrêtera un lévrier afghan de 10 mois s’apprêtant à récupérer le morceau de pain tombé au sol. Parfois, un simple « hep » ou un claquement de doigts sont suffisants, parfois un son beaucoup plus puissant est nécessaire. Attention, il ne s’agit pas comme je l’ai lu récemment de partir en balade avec un flingue chargé à blanc.
Le but n’est donc pas de faire peur, et encore moins de punir, mais simplement de créer une surprise et de « casser » la séquence en cours, et d’en générer une nouvelle, plaisante, en replaçant le maître en centre d’intérêt principal. Attention, la phase d’expectative est très courte, autour d’une demi-seconde, il faut donc prévoir, anticiper, et agir dans ce délai.
Il est bien évident que cette technique ne fonctionne pas dans tous les cas, ce serait trop simple. Imaginez un groupe de dix chiens qui partent derrière un chevreuil, le nombre de chances de les arrêter tous en claquant des doigts est nul.
Lorsqu’un conflit s’engage, c’est un outil très intéressant par exemple, et encore, faut-il déjà avoir pu démêler l’esbroufe d’un véritable danger. Lorsqu’un chien est réputé pour chercher la cogne, face à un chien inconnu, on préfèrera peut-être stopper son approche de caïd avant qu’elle ne créé une trop grosse pression chez son congénère, peut-être…
Tout cela n’est qu’une affaire de dosage, parfois, dans la fameuse situation où le Jack Russel entre dans le poulailler avec la ferme intention de désintégrer tout ce qui s’y trouve, deux planchettes de bois sec, qu’on fera claquer l’une sur l’autre feront l’affaire, peut-être, et si ce n’est pas le cas, courrez aussi vite que possible dans le sens opposé, fermez les yeux et attendez les deux détonations si caractéristiques du 12 mm à canons superposés du proprio des poules.
Quoi qu’il en soit, si ce stimulus disruptif est une technique intéressante pour casser dans l’œuf une séquence comportementale, il faut rester très prudent. Si vous utilisez régulièrement un objet par exemple, car l’objet lui-même pourrait devenir une source de crainte dès que les chiens le verront. D’autre part, si vous avez besoin de lancer un stimulus disruptif au milieu d’une dizaine de chiens, il y a de bonnes chances pour que ça fonctionne avec le chien en cause, mais que la moitié des autres soit terrorisés. Bref, il faut rester très prudent avec ce phénomène, parce qu’il demande d’être ajusté, adapté à la fois à l’individu, à ce qu’il est en train de faire, et à l’environnement, inutile peut-être de faire sauter la pile de mamie, qui ne demandait qu’à faire sa sieste paisiblement.
Souvenez-vous : Qu’il ne doit pas s’agir d’une punition. Que le plus tôt est le mieux. Qu’il n’est pas fiable à 100%. Qu’il doit être ajusté à l’individu, au groupe d’individu et même à l’environnement. Que si vous avez eu besoin de l’utiliser, c’est peut-être parce qu’il y a déjà un problème.
Rédigé par Raphaël Pin de ECC
dogspirit
Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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