Anxiété de séparation

Ou quand un chien souffre le martyre dès que son être d’attachement disparaît de sa vue…

Si l’attachement est un pré-requis indispensable à toute existence canine épanouie, le détachement est également une étape nécessaire au bon équilibre d’un chien, sous peine de voir son compagnon à quatre pattes souffrir d’un trouble émotionnel handicapant : l’anxiété de séparation.

Qu’est-ce que l’attachement ?

L’attachement désigne le lien très fort qui s’établit entre la mère et son chiot, entre les chiots et leur mère, puis entre le chiot (le chien) et son propriétaire. Ce processus primaire n’est pas facultatif, mais bel et bien vital. En témoignent les cruelles expériences sur la privation sociale menées sur des macaques rhésus par Margaret et Harry Harlow dans les années 60. Or, à l’instar du bébé macaque (ou du petit humain), le bébé chien, privé d’attachement, peut se laisser mourir.

L’attachement canin en éthologie

La chienne s’attache à ses chiots dans les heures qui suivent la mise bas. L’attachement des chiots à leur mère s’effectue plus tard, vers le 10e jour. Ce lien garantit la sécurité, le bien-être, la survie, et permet l’apprentissage. Dans un deuxième temps, avec l’apparition des dents de lait (synonymes de douleurs à l’allaitement), la mère commence à éloigner ses chiots. C’est ainsi que celui-ci va apprendre à s’autonomiser, jusqu’à transférer son attachement au groupe à la période adolescente. Comme le chiot arrive dans sa famille humaine vers 2 ou 3 mois (selon les élevages et les pays), il incombe naturellement au(s) propriétaire(s) de mener ce détachement à terme.

Des responsabilités partagées

Malheureusement, nombre de maîtres ont beaucoup de mal à mettre des distances avec leur petit poilu. Joël Dehasse souligne par ailleurs, dans Tout sur la psychologie du chien, que l’être humain a de surcroît sélectionné des chiens « attachés », tout comme il a sélectionné des chiens aux caractéristiques néoténiques (juvéniles). Les chiens trop autonomes n’ont en effet pas la cote : libres et indépendants, ils ne correspondent pas à l’idée que l’être humain se fait aujourd’hui d’un chien de compagnie. Ni les éleveurs ni les propriétaires n’imaginent, les uns par la sélection, les autres par leur attitude quotidienne, que ce faisant, ils agissent égoïstement, et œuvrent finalement au mal-être de leur compagnon adoré.

Ben et madame H.

Lorsque madame H. est là, Ben est tout le temps collé à elle. Il va là où elle va, dort au pied de son lit, la couve du regard quand elle lit, la suit jusqu’à la boîte aux lettres. Puis soudain, son monde vacille et s’écroule : madame H. part travailler et le laisse seul. La panique se saisit de lui, puis l’envahit : que va-t-il devenir ? Comment survivre sans elle ? Passer du tout au rien, de la plénitude du « nous » au néant du « je »… un calvaire…

Comme d’autres chiens en état de dépendance affective, Ben est « collant », ne s’éloigne pas de sa propriétaire en promenade (il pourrait la perdre en cours de route !), se comporte comme un chiot (il aime par exemple beaucoup jouer), est tardif dans sa maturité sexuelle. Et surtout il souffre, énormément, souvent. Il ne supporte pas la solitude, ni que madame H. s’éloigne de lui. Cela le met dans des états de stress intenses. Intolérables. Abominables.

Or lorsqu’un chien n’arrive pas à s’adapter à une situation, il rétablit son équilibre interne (homéostasie sensorielle) en s’adonnant à des activités de substitution : vocalisations, destructions, malpropretés. Dans le cas de Ben et d’autres chiens atteints d’anxiété de séparation, autant de tentatives (vaines) pour combler cette angoisse qui les submerge, ce vide béant qui s’ouvre sous leurs pattes.

Kong et autres jouets d’occupation / à mastiquer sont d’excellents moyens d’aider le chien et d’éviter les destructions (notamment)

Que peut-on faire ?

La thérapie passe par un détachement*. Petit à petit, le chien va ainsi s’autonomiser, apprendre à être seul sans paniquer**. Des jouets d’occupation, des objets à mâchonner s’avèrent souvent d’excellentes aides, même si, pour pouvoir en profiter, le chien devra déjà avoir évolué – en cas de panique, le bon gros os à moelle ne sert pas à grand-chose, pas plus qu’un rocher au pralin ne peut aider quelqu’un qui n’arrive plus à respirer tant la panique l’étreint.

L’on veillera également à poser un cadre de vie au chien. Et à lui donner des activités gratifiantes, qu’il apprécie tout particulièrement. Des jeux, des instants de détente et de complicité, des contacts fréquents et positifs avec des congénères. Dans de nombreux pays, les parcs à chiens se multiplient dans l’espace urbain, ce qui permet même aux chiens des villes d’avoir désormais des interactions libres avec quelques copains (le B.A.-BA du bien-être canin).

Idéalement, il faudrait bien sûr anticiper : bien choisir son élevage, bien choisir aussi les géniteurs de son futur compagnon, interroger l’éleveur sur son travail. Et ne pas oublier, une fois que bébé est enfin là, que tout mignon et attendrissant qu’il soit, ne pas le laisser être fusionnel avec soi est le plus grand service que l’on puisse lui rendre.

Marie Perrin

  • Un plan de détachement doit être mené avec l’aide d’un professionnel du comportement canin, qui sera à même d’adapter le programme à chaque chien et chaque cas
  • Rappelons que la solitude n’est pas naturelle pour le chien. L’acceptation de la solitude passe toujours par un apprentissage. Si l’on ajoute un hyperattachement et un tempérament anxieux à des difficultés liées à la solitude, l’on peut imaginer le résultat…

Rédigé

https://marieperrincomportementaliste.wordpress.com/2016/05/09/lanxiete-de-separation/

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Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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