“ J’étais descendue … dans l’estime de mon chien.”

Ce cinquième extrait de vie, est probablement le plus compliqué à écrire de tous ceux que j’ai écris. Compliqué car douloureux. Pour moi et pour Blue. Enfin pour Blue il ne l’est plus. Il l’est seulement pour moi. Mais s’il peut éviter que vous même vous ne ressentiez cette douleur un jour, alors, il vaut la peine d’être publié.
J’appréhende beaucoup vos réactions respectives à l’issue de cette lecture. Mais comme j’ai promis de jouer la carte de la franchise, je ne vais pas faire machine arrière. Et si je dois y laisser 100, 200 likes.. peu importe, au moins j’aurais la conscience tranquille.

Venons en au fait. Comme vous l’avez lu auparavant, après son adoption, le comportement de Blue était vraiment compliqué à gérer. Avec l’aide d’un premier éducateur travaillant de manière majoritairement positive, nous avions cependant fait des progrès. On avait découvert le clicker, les récompenses, les exercices de concentration, la marche devenait un peu plus gérable..globalement, c’était carrément positif.
Oui, mais il restait la question de la réactivité congénères et cela n’allait pas assez vite pour moi. J’étais pressée d’avoir un chien parfait ! Vous savez, celui qui regarde son maitre dans les yeux sur la photo de profil facebook, comme si ce dernier était un dieu vivant. Sa réactivité ne s’atténuait pas et me mettait dans tous mes états. Ce n’était même pas son bien être à lui qui me tourmentait, mais le regard que pouvait porter les gens sur ma personne quand celui-ci s’en prenait à un autre. Comme si c’était moi la fautive ! Comme si j’étais sa mère et que j’étais responsable de ses moindres faits et gestes ! Et à l’époque, je n’arrivais pas à prendre de recul sur ces réactions et à me dire que ces gens étaient justes… des crétins des Alpes, des bachibouzouks (dixit le capitaine Haddock) et que.. au diable leur avis !
Ni une, ni deux. Nous nous sommes dirigés vers un second éducateur canin.
>> (Attention, les propos qui vont suivre ne sont pas là pour dénigrer ce monsieur. Celui-ci à fait des études dans le domaine canin et je ne pourrai prétendre savoir mieux que lui. Sa méthode est source de sa réflexion et mon histoire vise juste à raconter mon expérience avec mon chien, qui pourrait être totalement différente avec un autre individu canin et un autre maitre. On parle de nous, pas de vous.) <<
Cet éducateur nous a donc introduit sa méthode. Pas positive. Cette dernière était basée sur l’incitation du chien a faire ce qu’on lui demande et s’il ne s’exécutait pas au bout de quelques minutes : une sanction tombait. La méthode me fut montrée au travers d’exercices qu’il fit lui même les premières fois devant moi.
Quand Blue n’obéissait pas, il le prenait par la peau du cou. Un collier étrangleur nous fût proposé pour qu’il ne tire plus en laisse et pour aider à gérer sa réactivité.
Je sais qu’en lisant ces mots, vous êtes déjà choqué(e)s et vous brandissez derrière votre écran un crucifix et une gousse d’ail.
Mais pas moi. J’ai signé le pacte avec le mal être. Et je suis partie pour 10 séances. J’étais dans un état de désespoir tel, face à ce chien, qui contrairement à ce que l’on disait sur les borders, n’obéissait pas et attaquait à tout va, que je me disais, qu’on allait peut être apercevoir la lumière au bout du tunnel. Mais je ne suis pas là pour chercher votre pardon. Le seul qui compte, c’est celui de mon chien.
Les séances ont commencé, les consignes ont été données clairement et les exercices à pratiquer régulièrement ont été mis en place. Ces gestes punitifs et irrespectueux que j’administrais à mon ami, devenaient, à mon plus grand effroi quand j’en parle aujourd’hui, des gestes banals et habituels. A force de répéter une action, ne perd conscience de la gravité de la chose. Mais si on nous avait dit de le faire, c’est que cela devait être bien ? Si on payait pour cela, c’est que ça devait valoir le coup ? Peut être que j’allais pouvoir me promener sans me faire remarquer ? … Je me posais des questions sur moi, mais pas sur ce que Blue pouvait ressentir, ce que j’aurais dû faire.
Le pire arriva. Blue commençait à mieux écouter. Cela renforçait, malheureusement pour mon compagnon à poils, mon espoir en ce processus. Mais un autre phénomène apparaissait parallèlement. Pendant que la lumière du fameux “bout du tunnel” apparaissait pour moi, une autre lumière s’éteignait : celle dans les yeux de mon chien quand il me regardait. Plus de fête quand je rentrais à la maison. Les oreilles basses. Peu d’engouement pour la balade. J’étais entrain de briser mon chien sans m’en rendre compte.
Personnellement, je commençais à respirer de nouveau, mon égo se portait bien mieux car : j’arrivais à faire obéir Blue. Mais, à contrario : j’étais descendue dans l’estime de mon chien.
Heureusement, au bout de quelques mois, mes yeux et mon esprit ont fini par s’ouvrir et se réveiller. C’était lors de la huitième séance. L’éducateur me demanda de libérer Blue car il pensait son rappel “acquis”. Aussitôt libre, Blue fit ce que j’aurais fait à sa place : il pris ses pattes à son cou, au beau milieu de la ville. J’étais devenue pour lui, une étrangère. Une source de sensations négatives et de moments désagréables, il n’avait aucune raison de rester en ma compagnie. Ce jour là, il failli passer son un bus. L’éducateur le rattrapa et lui infligea, sous mes yeux, une correction abominable. Blue pleura, et je ressentais, en même temps que lui, les gestes qu’il était entrain de subir. Ceux que moi même, j’avais osé faire.
Les rendez-vous pour une 9ème et une 10ème séance… ne furent jamais fixé. Le collier étrangleur fut expédié aux oubliettes. J’entrais dans une phase de “coma cérébral” (façon de parler). Je ne voulais plus entendre parler d’éducation canine. Qu’est-ce que j’avais fais ? Comment n’avais-je pas vu ? Je m’en voulais à un point, qu’il ne vous est pas possible d’imaginer.
Et puis, alors que c’est lui qui avait subi, c’est lui qui m’aida à remonter la pente. Heureux que tout cela ce soit arrêté, mon loulou retrouvait la joie de vivre. Cela n’avait pas duré longtemps, mais je pense qu’il avait dû être inquiet, de ne jamais retrouver son humaine de départ. 🙂
La leçon que nous avons tiré de cette expérience pour le fonctionnement de notre binôme est la suivante : en éducation, la clé, ce n’est pas la méthode, mais le respect, la confiance et la connaissance de son compagnon. Votre liberté s’arrête là où la sienne commence. Peu importe ce que les autres pensent de nous, c’est notre relation et notre histoire, pas la leur.
Je préfère 1000 fois que Blue mette quinze minutes à revenir, parce qu’il a préféré courser un lapin d’abord, mais qu’il revienne en me sautant dessus et me couvrant de bisous baveux.. que de le revoir me fuir.
Nous nous arrêterons là, car j’ai grandement besoin d’un Kleenex. Pardon mon chien et merci pour nos mauvais, comme bons moments. Promis, nous n’irons plus jamais du côté obscur de la force et nous espérons que cette histoire évitera que d’autres maîtres ne se trompent de sentier …
dogspirit
Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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